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La théologie évangélique face à la science moderne


Le vingtième siècle a connu des bouleversements profonds dans l'image que la science nous offre du monde. Les plus révolutionnaires furent, sans aucun doute, les nouvelles théories élaborées en physique au début du siècle : la théorie einsteinienne de la relativité et la mécanique quantique. Mais on peut également citer le déchiffrement du code génétique ou la toute récente exploration des systèmes " chaotiques " (comme le temps qui joue régulièrement des tours aux météorologues déterminés à en prédire les changements). Quelle attitude adopter face aux nouvelles connaissances scientifiques ?

En premier lieu, le croyant refusera de se laisser intimider par l'opposition que d'aucuns voudraient dresser entre science et foi. Ce prétendu conflit est une invention des (mauvais) vulgarisateurs de la science. Dès ses débuts, des chrétiens ont pris part à l'essor de la science moderne. Jean Kepler, Robert Boyle et Isaac Newton - pour ne citer que trois savants célèbres de la première heure - ne dissimulèrent jamais leur engagement religieux. Certes, la sécularisation n'épargne pas les rangs des scientifiques. Mais à ce jour, un nombre important de chrétiens se sont engagés dans cette aventure ; j'ai pu constater personnellement, à plusieurs reprises, à quel point, dans nos Églises et jusque parmi les étudiants des écoles de théologie évangéliques, le taux de personnes de formation scientifique ou technique était élevé.

Il me semble même possible de discerner (avec prudence) une affinité entre l'attitude scientifique et la théologie de type évangélique. Plus que d'autres formes du christianisme (mysticisme, théologies modernistes), la foi évangélique maintient un lien serré entre les faits et leur interprétation. Nous refusons de nous désintéresser des faits historiques fondateurs de la foi (en particulier la mort et résurrection du Christ). Les résultats expérimentaux jouent, de même, un rôle crucial dans l'élaboration des théories scientifiques.

Le croyant résistera, en second lieu, à la tentation scientiste, qui fait de la science son idole. Il peut ainsi démasquer les lectures idéologisantes. Le nazisme en fut l'exemple le plus horrifiant du XXème siècle, en prétendant parfaire, par l'" élevage " de personnes de pure race arienne, l'œuvre de la sélection naturelle, telle que la décrit la théorie darwinienne de l'évolution. De plus, il faut toujours se rappeler que nos connaissances scientifiques restent sujettes à modification : elles ne reflètent que l'état actuel de la science. L'ouverture au changement est l'un des ingrédients fondamentaux de la science des temps modernes. Ne lions pas notre foi, fondée sur la révélation divine, aux connaissances scientifiques du jour. Les évangéliques n'échappent pas toujours à ce piège. Notre désir (justifié) de convaincre d'autres personnes du bien-fondé du message biblique nous amène parfois à utiliser tout argument qui nous semble convenable, sans nous soucier de sa justesse. Pire encore, le prosélytisme peut nous entraîner à adopter un rationalisme naïf, qui prétend que la foi se laisse prouver par la science (actuelle). Voici un simple exemple de mauvais argument invoqué à l'appui de la bonne cause : d'aucuns prétendent que le caractère indéterministe des événements microscopiques, mis en lumière par la mécanique quantique, explique le libre arbitre. Mais pour " expliquer " la liberté, il ne suffit pas d'établir que l'homme peut faire n'importe quoi, mais il faut encore prouver qu'il peut faire ce qu'il veut. En fait, la liberté de l'être humain (et avec elle sa responsabilité morale) se situe sur un autre plan que les phénomènes physiques.

Considérer la science comme une vocation de l'homme, qui explore certaines facettes de la création, permet au chrétien de se lancer à cœur joie dans cette aventure passionnante. Mais le garde aussi de la tentation de chercher auprès d'elle la réponse à toutes ses questions. Les aspirations morales et spirituelles, en particulier, ne pourront être assouvies qu'à une autre source. Le savant honnête partage ce discernement avec le croyant lucide, car la vraie science rend humble.